Concurrence déloyale
La notion de la concurrence déloyale
La concurrence est une liberté. Elle découle de la liberté de commerce et d’industrie. La concurrence est bonne pour le fonctionnement de marché et avantageuse pour les consommateurs, utilisateurs finaux. Mais cette liberté n’est pas absolue. La concurrence doit être loyale et licite. La concurrence peut être qualifiée d’un abus de droit lorsque son auteur a usé des procédés malhonnêtes (arrêt de la Cour de cassation, 22/10/85).
La concurrence déloyale et illicite tue la concurrence. En effet, les entreprises victimes peuvent être amenées à mettre les clés sous la porte. L’auteur de la concurrence déloyale peut ainsi occuper le monopole de marché d’un secteur particulier, ce qui peut être préjudiciable pour les consommateurs finaux.
Ceci dit, le monopole n’est pas totalement interdit. Il existe des monopoles légaux. La société telle que la SNCF bénéficie d’un monopole légal pour l’exploitation des transports ferroviaires en France. Le monopole peut être également de fait. Cela peut être constaté dans les secteurs d’activités où le savoir-faire technique ou technologique est fortement demandé. Ce savoir-faire est protégé au titre de secret d’affaires. La divulgation sans autorisation du secret d’affaire (Directive n°2°16/943 du 8 juin 2016) est sanctionnée civilement et pénalement.
Dans un arrêt du 19 mars 2008, la chambre sociale a sanctionné un ancien salarié du Guide Michelin sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Cet ancien salarié a publié un livre révélant les procédés d’élaboration du Guide Michelin, alors qu’il est lié par une clause de confidentialité destinée à protéger le savoir-faire propre à l’entreprise. Cette clause était applicable même après la fin du contrat de travail. Il s’agit d’un cas d’exception de la survie des effets contractuels après la rupture du contrat.
Le fondement juridique de la concurrence déloyale
La concurrence déloyale ne relève pas d’un régime spéciale prévu dans le code de commerce. Il n’y a pas non plus d’une loi générale traitant de la concurrence déloyale. Néanmoins, il existe de différents textes interdisant certaines pratiques commerciales telles que la revente à perte ou la publicité trompeuse. En l’absence d’un cadre général, celui qui se rend coupable d’un acte de concurrence déloyale sera sanctionné sur le fondement du droit commun, c'est-à-dire la responsabilité extracontractuelle. C’est une responsabilité du fait personnel prévue aux articles 1240 et 1241 du code civil.
Pour que la responsabilité du fait personnel soit engagée, trois conditions doivent se réunir : la faute, le préjudice et le lien de causalité.
Le premier élément de la concurrence déloyale : la faute
La faute, intentionnelle ou non intentionnelle est caractérisée par un acte déloyal apprécié in abstracto par le juge, c'est-à-dire qu’il va prendre en compte le comportement, les attitudes normales d’un professionnel honnête.
Le demandeur a la charge de rapporter la preuve de l’acte fautif. Ainsi, le défendeur peut invoquer l’absence de preuve pour se défendre. Ou alors, il peut rapporter la preuve contraire démontrant qu’il n’a pas commis de faute.
Ce sont les juges qui déterminent au cas par cas les actes de concurrence déloyale. Mais la doctrine propose une certaine classification.
- Un acte de dénigrement : la jurisprudence impose 4 conditions. L’acte doit être péjoratif (il dévalorise l’image du concurrent et porte atteinte à sa réputation). L’acte doit être diffusé publiquement. Les propos doivent viser une personne déterminée ou les produits ou les marques. La concurrence déloyale doit viser un concurrent.
- Un acte engendrant la confusion
- Le débauchage du salarié : une entreprise qui embauche un salarié de son concurrent commet un acte de concurrence déloyale s’il est complice de la violation d’une clause de non-concurrence. De même, une entreprise qui embauche simultanément plusieurs salariés de son concurrent de manière à paralyser un atelier ou un service comment un acte de concurrence déloyale (arrêt de la Cour de cassation, 24 oct 2000).
- la désorganisation de la production du concurrent : violation du secret de fabrication ou de détournement de la clientèle.
- Un acte désorganisant le marché : publicité trompeuse, revente à perte, pratique du prix abusivement bas. Ces actes ne sont pas des actes de concurrence déloyale proprement dits, car ils sont réprimés par les lois spéciales.
- Le parasitisme commercial : selon la Cour de cassation, le parasitisme commercial est « un ensemble de comportement par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire» (arrêt de la Cour de cassation, 26/01/1999).
- Plus concrètement, les tribunaux ont déjà condamné les actes suivants :
- Le détournement des fichiers clientèle
- La confusion créée dans l’esprit du public par l’utilisation du même nom commercial
- La création des sites internet « satellites » empêchant le site d’un concurrent d’être normalement visité
- La reprise des idées publicitaires
- La pratique des soldes non-autorisés.
Le deuxième élément de la concurrence déloyale : le préjudice
Le demandeur doit rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Il s’agit en général d’une perte d’un avantage économique résultant de la perte d’une partie de la clientèle détournée par l’auteur de la concurrence déloyale.
Le préjudice est constaté alors par une baisse de chiffre d’affaires. Mais le juge peut aussi prendre en compte les profits réalisés par l’auteur de la concurrence déloyale.
La jurisprudence admet aussi que le préjudice peut être caractérisé par l’impossibilité d’augmenter la clientèle. Il s’agit d’une perte de clientèle potentielle, donc une perte de chance. La perte de chance pour être réparable doit être certaine.
La jurisprudence admet la présomption de préjudice, dans le cas du trouble commercial, lorsque l’acte vise un concurrent déterminé (arrêt de la Cour de cassation, 25/2/92). Le trouble commercial est le préjudice consistant dans une atteinte à la capacité compétitive du concurrent (arrêt de la Cour de cassation, 22/10/85). Par ex, lorsque l’image d’un concurrent est affaiblie, sa capacité compétitive est atteinte.
Pour se défendre, le défendeur peut rapporter la preuve contraire.
Le troisième élément de la concurrence déloyale : le lien de causalité
Le préjudice invoqué doit résulter des actes déloyaux. Il est parfois difficile de prouver la causalité. Par exemple, une perte de clientèle peut être due à des raisons multiples. Comment peut-on savoir si cette perte est due aux actes déloyaux, et non pas aux comportements personnels de la victime. Cela relève de l’appréciation souveraine du juge.
La distinction action en concurrence déloyale et action en contrefaçon
L’action en contrefaçon permet au titulaire d’un droit de la propriété intellectuelle, d’obtenir la sanction de l’atteinte portée à son droit privatif et elle consacre un monopole juridiquement protégé contre la concurrence
L’action en concurrence déloyale est exercée par un opérateur économique, afin d’obtenir la réparation d’un dommage causé par un acte déloyal d’un concurrent : elle consacre la liberté de concurrence.
Bien qu’elle repose sur des fondements juridiques différents, l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale poursuit des résultats économiques analogues : réparer les dommages subis et interdire certains comportements. L’action en concurrence déloyale peut compléter l’action en contrefaçon si le contrefacteur a commis des actes déloyaux distincts de la contrefaçon. Si les conditions de l’action en contrefaçon ne sont pas réunies, l’action en contrefaçon peut être utilisée. Par exemple, un titulaire d’une marque non déposée en France ne peut pas faire une action en contrefaçon, mais il peut faire une action en concurrence déloyale.