Contrat de référencement payant Google Ads : la clause permettant à Google de suspendre la participation du client aux programmes à tout moment est-elle légale ?
Le contrat de référencement payant Google Ads et la clause de suspension de la participation du client
Un contrat de référencement payant Google Ads d'un site internet a été conclu en 2013 entre la société de droit luxembourgeois Fathi Enterprise (la société Fathi), titulaire des droits sur la plateforme accessible par le nom de domaine « cartegrisefrance.fr » et la société de droit irlandais Google Ireland.
Le site internet du client est dédié aux démarches destinées à l'obtention sur internet de certificats d'immatriculation de véhicules automobiles auprès des services de l'Etat français. Le site est référencé grâce aux publicités payantes Google Ads.
Les conditions générales du contrat de référencement payant Google Ads comportaient un article 13 stipulant que « Google peut apporter des modifications mineures aux présentes Conditions à tout moment sans préavis ; toutefois, en cas de modifications majeures des présentes Conditions, un préavis sera adressé par Google (...). Chaque partie peut résilier immédiatement les présentes Conditions à tout moment en notifiant à l'autre partie moyennant un préavis sauf en cas de manquement contractuel répété ou grave, notamment à une politique. (...) Google peut suspendre la participation du client aux programmes à tout moment, par exemple en cas de problème de paiement, de manquements suspectés ou avérés aux politiques ou aux présentes Conditions ou pour raisons légales ».
Le caractère trompeur du site internet référencé via Google Ads
Le 3 novembre 2017, le Secrétariat d'Etat chargé du numérique a adressé à la société Google France un courriel indiquant le caractère trompeur du site internet cartegrisefrance.fr, à la suite duquel la société Google Ireland a suspendu le compte Google Ads de la société Fathi.
La contestation de la suspension du compte Google Ads
Contestant cette suspension et le refus de réactiver son compte, la société Fathi, aux droits de laquelle vient la société Up to motion, a assigné les sociétés Google Ireland et Google France.
La société Fathi a interjeté appel devant la Cour d'appel de Paris.
Elle a demandé l'annulation de l'article 13 des conditions générales du contrat de référencement payant du site internet.
Les sociétés Google Ireland et Google France lui ont opposé que les stipulations de cet article répondaient à une nécessité propre à la qualité d'hébergeur de la société Google Ireland, tenue, conformément à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, d'agir promptement pour retirer des données ou en rendre l'accès impossible dès le moment où elle a connaissance du caractère illicite des activités ou des informations en cause, ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère.
A la suite d'un arrêt rendu le 17 septembre 2021 par la Cour d'appel de Paris, la société Fathi (devenue société Up to Motion) s'est pourvue en cassation. Son argument consistait principalement à dire que la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif en ce qu'elle permettait à la société Google Irlande de suspendre les publicités payantes du site internet du client et de résilier le contrat de manière unilatérale et sans préavis.
La société cliente considérait que cette clause viole l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, prévoyant que "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties".
Dans son arrêt du 4 septembre 2024, la Cour de cassation a rappelé que qu'il résulte de l'article 6, paragraphe 2, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, que pèse sur les hébergeurs l'obligation légale d'agir promptement pour retirer des données dont ils connaissent le caractère illicite ou pour en rendre l'accès impossible et qu'ils engagent leur responsabilité en cas de manquement à cette obligation.
La Cour de cassation a, par substitution de motifs à ceux de la Cour d'appel critiqués, ajouté qu'en prévoyant une clause contractuelle lui permettant de suspendre promptement l'usage de ses services de référencement pour des raisons légales, puis en l'appliquant lorsqu'il est informé du caractère trompeur d'un site auquel il donne accès, un hébergeur ne crée pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, devenu l'article L. 442-1, 2° du code de commerce.
Source : arrêt de la Cour de cassation, 4 septembre 2024, pourvoi n° 22-12.321