Le droit à l'image des salariés : la preuve d'un préjudice n'est pas nécessaire à l'action en réparation.

Cour de cassation, chambre sociale, 19 janvier 2022, n° 20-12.420 ⬇️

L'utilisation d'une photographie des salariés pour communiquer sur le site internet de l'entreprise : attention au retrait de consentement

[R] et [U] ont été engagés respectivement en octobre 2007 et septembre 1999 par la société Olmière constructions en qualité de maçons. Dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique, ils ont adhéré chacun à un contrat de sécurisation professionnelle et leur contrat de travail a été rompu en mars 2014.

Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Mais nous nous intéressons ici seulement au droit à l’image des salariés. En l’espèce, chacun des salariés a été photographié avec l'ensemble de l'équipe pour apparaître sur le site internet.

La publication de cette photographie n'est licite que si l'employeur a obtenu l'accord des personnes concernées. Cependant, le consentement donné peut être retiré par les intéressés. 

En l'espèce, les salariés ont envoyé le 27 juillet 2015 un courrier mentionnant leur volonté de voir cette photographie supprimée. Mais la société ne se conforme pas à la demande. Elle a été finalement supprimée postérieurement à la communication des conclusions de première instance.

Le jugement rendu en première instance et l’arrêt d’appel disent que la demande des salariés relative à l’atteinte au droit à l’image était sans fondement.

Les salariés se sont pourvus en cassation devant la Cour de cassation qui va casser l’arrêt d’appel.

Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts au titre du droit à leur image, les juges du fond retiennent que les salariés ne démontrent aucunement l'existence d'un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression de la photographie en question.

Les conditions d'octroi des dommages et intérêts en cas d'atteinte au droit à l'image

Au visa de l’article 9 du code civil, la Cour de cassation énonce que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation.

Il en résulte que la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain n’est pas nécessaire dans le cadre d’une action en réparation résultant d’une atteinte au droit à l’image.

La seule condition de réparation est l'atteinte au droit à l'image. 

 

Cour de cassation, chambre sociale, 14 février 2024, n° 22-18.014 ⬇️

L’utilisation des photographies d’un salarié sur les plaquettes commerciales : l’exigence de l’accord du salarié

[E] a été engagé en qualité de conseiller art de vivre, en charge de fonctions de conciergerie, statut employé, le 3 mai 2010, par la société American Express Carte - France. A compter du mois de novembre 2014, il a été plus particulièrement en charge du traitement des demandes clients arrivant par courriel. En 2015, il a obtenu le statut d'agent de maîtrise. Licencié par lettre du 1er mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale par requête reçue le 17 août 2017 de diverses demandes à titre salarial et indemnitaire, notamment au titre de la violation de son droit à l'image.

Au visa de l'article 9 du code civil, la Cour de cassation énonce une règle constante selon laquelle le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation.

Pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son droit à l'image, la cour d’appel retient d'abord qu'il reproche à la société d'avoir utilisé son nom de famille et son image à l'occasion de deux campagnes publicitaires en 2012 et 2015.

La cour d’appel indique ensuite que la société soutient principalement qu'il ne s'agissait pas d'une campagne publicitaire mais d'une simple plaquette de présentation des concierges, adressée aux clients, réalisée à partir des photographies individuelles du visage et du buste des concierges ainsi que de photographies collectives. Il retient enfin que le salarié qui ne produit aucune pièce utile à l'appui de sa prétention, notamment pas le document critiqué, ne met pas la cour en mesure d'apprécier la réalité de l'atteinte invoquée.

En statuant ainsi, alors que l'employeur ne contestait pas avoir utilisé l'image du salarié pour réaliser une plaquette adressée aux clients, que le salarié faisait valoir dans ses écritures qu'il n'avait pas donné son accord à cette utilisation et que la seule constatation de l'atteinte au droit à l'image ouvre droit à réparation, la cour d'appel a violé l’article 9 du code civil.