Méthodologie juridique

Les exemples du découpage des arrêts de la Cour de cassation

La Cour de cassation

Les étudiants en première année de droit doivent généralement rédiger les fiches d'arrêts (arrêt = décision) rendus par la Cour de cassation. Pour réussir cet exercice, il convient d'abord de se familiariser avec la structure des arrêts à travers le découpage des arrêts. 

PLAN

L'objectif du découpage des arrêts de la Cour de cassation

Le découpage de l'arrêt consiste en une analyse de la structure de la décision judiciaire sur laquelle les étudiants préparent la rédaction d'une fiche d'arrêt. L'étudiant doit essayer d'identifier les différents éléments de la décision de la Cour de cassation. 

La Cour de cassation, qui contrôle la bonne application du droit, rédige ses arrêts selon un schéma structuré. La maîtrise de

l'exercice d'analyse de ces décisions constitue un atout indispensable pour tout étudiant en droit.

Avant de voir des exemples du découpage des arrêts de la Cour de cassation, il convient de connaître les différents éléments de ces arrêts.

Les différents éléments des arrêts de la Cour de cassation

La Cour de cassation rend soit un arrêt de rejet, soit un arrêt de cassation. Nous pourrions identifier dans ces arrêts les éléments ci-dessous. 

  • Le visa : le visa est un élément obligatoire des arrêts de cassation rendu par la Cour de cassation. Il est généralement cité en entête de l'arrêt et commence par l'expression "Vu l'article ......". La Cour de cassation rappelle dans le visa de l'arrêt une ou plusieurs références textuelles. 
  • L'attendu de principe ou le chapeau : l'attendu de principe ou le chapeau est un élément facultatif des arrêts de cassation rendu par la Cour de cassation. S'il est présent, l'attendu de principe se situe immédiatement après le visa de l'arrêt. La Cour de cassation énonce dans l'attendu de principe le contenu d'une règle générale ou d'un principe en lien avec le visa. 
  • Les faits à l'origine de l'affaire 
  • La procédure : la procédure indique notamment l'acte introductif d'instance, l'appel et le pourvoi en cassation.
  • Les motifs de la Cour d'appel : en tant que juge du fond, la Cour d'appel motive sa décision par des motifs de droit et de fait. Dans les arrêts de la Cour de cassation, les motifs de la Cour d'appel peuvent généralement être déduits du moyen du demandeur au pourvoi (particulièrement pour les arrêts  de rejet rendus avant la réforme de rédaction de 2019). Il convient de noter le moyen du pourvoi en cassation critique la décision attaquée notamment celle de la Cour d'appel. Par conséquent, le demandeur au pourvoi rappelle, dans son moyen, le motif des juges qu'il cherche à faire tomber et à faire censurer par la Cour de cassation. Par ailleurs, les motifs de la Cour d'appel peuvent aussi être déduits du motif de la Cour de cassation (particulièrement pour les arrêts  de cassation rendus avant la réforme de rédaction de 2019). En effet, avant de casser la décision attaquée soumise au contrôle, la Cour de cassation rappelle d'abord le motif des juges du fond.
  • Les motifs de la Cour de cassation : en tant que juge du droit, la Cour de cassation motive sa décision par des motifs de droit. En effet, à l'occasion du contrôle sur les juges du fond, la Cour de cassation ne contrôle que les motifs de droit de ces derniers.
  • Les moyens du demandeur au pourvoi : les moyens du demandeur au pourvoi sont les arguments de droit et de fait de la partie qui saisit la Cour de cassation. Il commence généralement par l'expression "Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ...., alors que ....".
  • Le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation : le dispositif est la partie finale de l'arrêt de la Cour de cassation qui convient la solution et l'autorité de chose jugée. Il commence par l'expression "Par ces motif". 

Il convient de noter que la Cour de cassation rend soit un arrêt de rejet, soit un arrêt de cassation. Certains éléments sont présents dans l'arrêt de cassation et ne le sont pas dans l'arrêt de rejet. L'inverse est vrai également !

Les éléments propres aux arrêts de cassation rendus avant la réforme de rédaction de 2019

  • Le visa
  • L'attendu de principe ou le chapeau

Les éléments propres aux arrêts de rejet rendus avant la réforme de rédaction de 2019

  • Le rappel des moyens du demandeur au pourvoi

Les moyens sont désormais également rappelés dans les arrêts de cassation rendus après la réforme de rédaction de 2019.

 Arrêt de rejetArrêt de cassation
VisaNonOui (obligatoire)
Attendu de principeNonOui (facultatif)
Rappel des moyensOuiNon

Les exemples du découpage des arrêts de la Cour de cassation rendus avant la réforme de rédaction de 2019

Vous trouverez ci-dessous deux exemples du découpage des arrêts de la Cour de cassation rendus avant la réforme de rédaction de 2019. 

L'exemple du découpage d'un arrêt de cassation rendu par la Cour de cassation

A propos d'un arrêt rendu le 6 février 2008 par la première chambre civile de la Cour de cassation, 06-16.498, Publié au bulletin

Avertissement : Pour le besoin de l'explication, nos commentaires sont indiqués dans les encadrés.


Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 février 2008, 06-16.498, Publié au bulletin

Ces informations permettent d'identifier l'origine de la décision judiciaire. Cette décision est rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation. 

La date de la décision est le 6 février 2008. 

06-16.498 = le numéro du pourvoi en cassation

Publié au bulletin = la Cour de cassation a décidé de publier cette décision au bulletin des arrêts de la Cour de cassation qui constitue un moyen de communication. Cette publication permet de présupposer l'importance de l'arrêt.

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Le moyen unique = le demandeur au pourvoi a développé uniquement un moyen au soutien de ses prétentions.

Pris en sa première branche = le moyen unique est divisé en plusieurs branches. Une branche correspond en quelque sort à un sous-argument. L'arrêt de la Cour de cassation a été rendu particulièrement pour répondre à la première branche du moyen unique.

Vu l'article 79-1, alinéa 2, du code civil ;

Il s'agit du visa de l'arrêt de la Cour de cassation. Le motif de la Cour de cassation se fonde sur ce visa.

Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil et à défaut de production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie qui énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement ; que cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès ;

Il s'agit de l'attendu de principe ou le chapeau. Le motif de la Cour de cassation se fonde également sur cet attendu de principe.

Attendu que le 20 mars 1996, Mme Y, épouse X est accouchée d'un foetus sans vie de sexe masculin, pesant 400 grammes, après vingt et une semaines d'aménorrhée ;

Il s'agit des faits à l'origine de l'affaire.

que n'ayant pu effectuer aucune déclaration à l'état civil, les époux X ont, par requête du 13 mai 2003, saisi le tribunal de grande instance aux fins qu'il soit ordonné à l'officier d'état civil d'établir un acte d'enfant sans vie conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 79-1 du code civil, en précisant que l'enfant se prénommait Z et se nommait X ;

Il s'agit de la procédure en première instance dans laquelle l'on peut identifier le demandeur, le tribunal saisi et l'objet de la demande.

que par jugement du 9 décembre 2003, les époux X ont été déboutés de leur demande ;

Il s'agit de la procédure en première instance dans laquelle l'on peut identifier la solution du tribunal du premier degré.

Attendu que pour confirmer cette décision, l'arrêt attaqué énonce qu'il s'évince de l'article 79-1 du code civil que pour qu'un acte d'enfant sans vie puisse être dressé, il faut reconnaître à l'être dont on doit ainsi déplorer la perte, un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant, ce qui ne peut se décréter mais doit se constater à l'aune de l'espoir raisonnable de vie autonome présenté par le foetus avant son extinction, qu'en l'état actuel des données de la science, il y a lieu de retenir, comme l'a fait l'officier d'état civil, le seuil de viabilité défini par l'Organisation mondiale de la santé qui est de vingt-deux semaines d'aménorrhée ou d'un poids du foetus de 500 grammes et qu'en l'espèce ces seuils n'étaient pas atteints ;

Il s'agit de la solution et du motif de la Cour d'appel dont la décision a fait l'objet du pourvoi en cassation. 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 79-1, alinéa 2, du code civil ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse, la cour d'appel, qui a ajouté au texte des conditions qu'il ne prévoit pas, l'a violé ;

Il s'agit du motif de la Cour de cassation.

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 253 RG 04/00192 rendu le 17 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Il s'agit du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation dans lequel celle-ci a décidé de casser et annuler l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes et de renvoyer l'affaire pour être rejugée devant la même Cour d'appel, mais autrement composée. 


L'exemple du découpage d'un arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation

Avertissement : Pour le besoin de l'explication, nos commentaires sont indiqués dans les encadrés.


Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 29 juin 2001, 99-85.973, Publié au bulletin

Ces informations permettent d'identifier l'origine de la décision judiciaire. Cette décision est rendue non par une chambre spécialisée de la Cour de cassation, mais par son assemblée plénière. 

La date de la décision est le 29 juin 2001.

99-85.973 = le numéro du pourvoi en cassation

Publié au bulletin = la Cour de cassation a décidé de publier cette décision au bulletin des arrêts de la Cour de cassation qui constitue un moyen de communication. Cette publication permet de présupposer l'importance de l'arrêt.

Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d'appel de Metz et de Mme X... :

L'arrêt de la Cour de cassation a été rendu pour répondre aux deux moyens.

Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le foetus qu'elle portait ;

Il s'agit des faits à l'origine de l'affaire.

que l'arrêt attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires sur la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, mais l'a relaxé du chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ;

Metz, 3 septembre 1998 = la Cour d'appel de Metz a rendu un arrêt en date du 3 septembre 1998.

Il s'agit de la solution et du motif de la Cour d'appel de Metz. 

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Il s'agit du moyen du pourvoi en cassation. Il commence généralement par l'expression "il est fait grief à ...., alors que ....".

Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ;

D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ;

Il s'agit du motif de la Cour de cassation.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Il s'agit du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation.


Les exemples du découpage des arrêts de la Cour de cassation rendu depuis la réforme de rédaction de 2019

Avertissement : Pour le besoin de l'explication, nos commentaires sont indiqués dans les encadrés.


Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 février 2021, 19-23.525, Publié au bulletin

Il s'agit de l'identification de l'arrêt. 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 FÉVRIER 2021

(...)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mai 2019), K... S... a été tué par arme blanche le [...] 2014 et l'auteur des faits a été déclaré coupable de meurtre par une cour d'assises.

2. Agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Q... E..., née le [...] , Mme J... S..., fille de K... S..., après avoir obtenu, par un arrêt civil rendu par cette cour d'assises, une certaine somme à titre de dommages et intérêts, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) pour voir réparer le préjudice moral subi par sa fille.

Il s'agit des faits à l'origine de l'affaire.

Examen du moyen

(...)

Sur le moyen pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt de déclarer Mme S..., es qualités, recevable et fondée en sa demande alors :

« 1°/ qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par sa petite fille née après le décès de son grand-père ; qu'en considérant, pour déclarer Q... E... recevable et fondée en sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral, que le préjudice tenant au fait que Q... E... est définitivement privée de la présence de son grand-père et de la possibilité de le connaître était dû au décès de son aïeul, lui-même dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d'une infraction survenus après sa conception, même si elle n'était pas née, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en tout état de cause si le fait de naître et de vivre sans père ou sans mère, en raison de la disparition prématurée de l'un de ces derniers, peut constituer un préjudice en raison du lien de filiation qui unit l'enfant conçu et à naître à ses parents, la préjudice à raison du décès d'un autre membre de la famille ne peut être présumé ; qu'en considérant que le fait de ne connaître l'un de ses aïeuls « qu'au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille » faisait « nécessairement » souffrir Q... E... de l'absence de son grand-père, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un préjudice d'affection indemnisable, s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, pour la victime. »

Il s'agit du moyen du demandeur au pourvoi. Le motif de la Cour d'appel se déduit de ce moyen. 

Réponse de la Cour

5. L'enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès.

Il s'agit du chapeau dans lequel la Cour de cassation énonce une règle générale.

6. Ayant relevé que Q... E... était déjà conçue au moment du décès de son grand-père, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a estimé que Q... E..., privée par un fait présentant le caractère matériel d'une infraction de la présence de son grand-père dont elle avait vocation à bénéficier, souffrait nécessairement de son absence définitive, sans avoir à justifier qu'elle aurait entretenu des liens particuliers d'affection avec lui si elle l'avait connu, et a déclaré la demande d'indemnisation de son préjudice moral recevable.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Il s'agit du motif de la Cour de cassation. Il est divisé en deux parties. Dans la première partie, la Cour de cassation est obligée de suivre l'appréciation des faits faite par la Cour d'appel. Cette appréciation porte sur la caractérisation de la souffrance. Cette appréciation des faits relève du pouvoir souverain de la Cour d'appel. Par conséquent, la Cour de cassation doit se retrancher derrière cette appréciation. Dans la deuxième partie, la Cour de cassation a dit que la Cour d'appel n'a pas à justifier de l'existence des liens particuliers d'affections. 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Il s'agit du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation.