Bail commercial
Le bail commercial, autrement appelé bail 3 6 9, est un contrat de location des locaux commerciaux conclu entre un locataire et un bailleur. Ce type de contrat est souvent pratiqué dans la mesure où de nombreux commerçants ne sont pas propriétaires des locaux dans lesquels ils exercent des activités professionnelles.
Le contrat de bail commercial est régi par les articles L145-1 et suivants du code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. Les clauses contractuelles qui y dérogent seront frappées d’une nullité absolue.
La durée d'un bail commercial
Un bail commercial doit avoir une durée minimum de 9 ans (article L145-4 du code de commerce). Aucune clause ne peut déroger à cette durée (article L145-14 du code de commerce). Au contraire, les parties peuvent prévoir une durée supérieure à neuf ans.
La question qui se pose est de savoir si le preneur ou le locataire peut mettre fin au contrat avant son terme. La réponse est oui. Mais il doit respecter certaines conditions. C'est-à-dire qu’il ne peut mettre fin au contrat qu’à l’expiration de chaque période triennale. Par ailleurs, il doit donner congé par lettre recommandée 6 mois avant la fin de chaque période triennale, pour quel que motif que ce soit.
En ce qui concerne le bailleur, il ne peut mettre fin au contrat avant son terme que dans 3 hypothèses :
- en cas de faute du locataire entraînant la résolution du bail (par exemple, le non-paiement des loyers) ;
- en cas de nécessité d'exécuter des travaux nécessitant l'évacuation des lieux ;
- en cas d'accord des deux parties.
La révision du loyer dans un bail commercial
Le loyer d'un bail commercial (bail 3 6 9) peut être révisé par les parties au contrat. Il existe en effet 2 modes de révision des loyers commerciaux :
- la révision légale
- la révision selon une clause d'indexation.
La révision légale du loyer commercial
Lorsque aucune clause d'indexation n'est prévue dans le contrat de bail commercial, la révision du loyer peut se faire dans le cadre autorisé par la loi. C'est ce que l'on appelle la révision légale.
Qui peut demander une révision du loyer commercial ?
Les deux parties, c'est-à-dire le bailleur et le locataire, peuvent faire une demande de révision du loyer. Théoriquement, le bailleur demande une révision du loyer à la hausse et le locataire demande une révision du loyer à la baisse.
Quand le loyer d'un bail commercial peut-il être révisé ?
La révision légale du loyer commercial peut intervenir à la demande de l'une des parties tous les 3 ans à compter du jour d’entrée en jouissance ou à compter de la date du renouvellement du bail commercial (article L145-38 du code de commerce).
Il convient de noter que le bailleur peut aussi demander spécialement la révision du loyer au moment de la demande du renouvellement du contrat de bail sans que le délai de 3 ans ne soit respecté (article L145-11 du code de commerce).
Existe-t-il un plafond pour la révision du loyer du bail 3 6 9 ?
L’article L145-33 du code de commerce précise que le loyer des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. Cette valeur locative est fixée par les parties. A défaut, elle doit être déterminée selon 5 critères :
- les caractéristiques du local loué ;
- la destination des lieux ;
- les obligations respectives des parties ;
- les facteurs locaux de commercialité ;
- le prix couramment pratiqué dans le voisinage.
Mais dans tous les cas, la valeur locative ne peut pas excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ITLC) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ITLCT), intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer (article L145-38, alinéa 3 du code de commerce). C’est ce que l’on appelle la règle du plafonnement du loyer.
A retenir Loyer révisé = valeur locative qui ne peut dépasser la variation de l’ITLC ou de l’ITLCT.
La règle du plafonnement du loyer n’est pas applicable dans certains cas où il est possible de déplafonner le loyer révisé et donc de l’ajuster à la valeur locative réelle. Tel est le cas lorsque est rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative (article L145-38, alinéa 3 du code de commerce).
La modification de facteurs locaux de commercialité peut être l’ouverture d’une ligne de transport en commun, l’augmentation des nombres de places de stationnement, l’ouverture d’un marché, d’un centre commercial, l’accroissement de la population d’un quartier, l’ouverture d’une voie piétonne…
Le juge appréciera si la modification des facteurs locaux présente un intérêt pour chaque locataire (Cour de cassation, Civ 3e, 7/4/2004).
Le déplafonnement peut entraîner de forte hausse du loyer. C’est pourquoi l’article L145-38, al.3 issu de la loi du 18 juin 2014 prévoit que l’augmentation ne peut pas dépasser, pour une année, 10% du loyer acquitté de l’année précédente.
Exemple :
Loyer fixé par les parties = 2000 euros
Loyer révisé selon la valeur locative = 2200 euros (10%=220 euros)
Loyer révisé selon le plafond légal (indice) = 2100 euros
S’il n’y a pas de modification des facteurs locaux de commercialité, on applique le loyer de 2100 euros.
S’il y a la modification des facteurs locaux de commercialité, on n’applique pas le loyer plafonné, mais le loyer selon la valeur locative qui est de 2200 euros, soit une augmentation de 200 euros.
Mais il faut ensuite appliquer la règle du 10%.
Le loyer acquitté de l’année précédente = 1000 x 12 = 12000 euros
10% des 12000 euros = 120 euros
Donc le loyer révisé en cas de modification des facteurs locaux = 2120 euros, et non pas 2200 euros.
La révision du loyer dans un bail commercial selon une clause d’indexation
Le contrat de bail 3 6 9 peut stipuler une clause d'indexation (autrement appelée clause d'échelle mobile) qui a pour effet d'entraîner la révision automatique du loyer commercial. Selon cette clause, les parties conviennent que les loyers varient périodiquement en fonction d’un indice choisi par elles.
A retenir Loyer révisé = (loyer précédemment fixé x nouvel indice) / ancien indice
L’article L145-39 du code de commerce prévoit la condition de déclenchement de la révision du loyer selon le jeu de la clause d'indexation. Il précise que la révision peut être demandée chaque fois que le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La règle du 25% est la condition du déclenchement de la révision du loyer.
Bon à savoir Pour déterminer la variation d’un quart, il faut comparer le loyer obtenu par le jeu de la clause d’indexation au dernier loyer fixé.
Pour éviter la variation trop importante, le juge a pour mission d’adapter le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande (article R145-22 du code de commerce). Mais in fine, l’augmentation du loyer ne peut pas dépasser 10% du loyer acquitté l’année précédente (article L145-39 du code de commerce).
Les frais de travaux réalisés par le locataire peuvent-ils rentrer dans le calcul de la valeur locative ?
Les obligations mises à la charge de l’une ou de l’autre des parties par le contrat de bail ou pas la loi peuvent être des facteurs de diminution ou de majoration de la valeur locative (article R 145-8, alinéas 1 et 3 du code de commerce).
La Cour de cassation considère que le transfert sans contrepartie à la charge du locataire d’obligation incombant au bailleur, notamment certains travaux de réparation et d’entretien, constitue un facteur de diminution de la valeur locative (arrêt de la Cour de cassation, 12 déc 1960).
En revanche, la Cour de cassation considère que les travaux réalisés par le locataire et à sa charge constituent un facteur de majoration de la valeur locative si le loyer était réduit (article R 145-8, alinéa 1er du code de commerce ; arrêt de la Cour de cassation, 16 oct 1979).
La révision du loyer des locaux à usage exclusif de bureaux
La révision du loyer des locaux à usage exclusif de bureaux n’est pas soumise au plafonnement. Ainsi, l’article R 145-11 du code d commerce prévoit que le prix du bail sera fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents. Le loyer peut être rectifié en considération des différences entre le local loué et les locaux de référence.
Cependant cette règle ne s'applique qu'à la révision du loyer au moment du renouvellement du contrat de bail commercial.
Le bailleur peut-il mettre fin au contrat en raison de l’exercice par le locataire d’une activité non prévue dans le contrat de bail commercial ?
Comment tout contrat, le contrat de bail commercial a son objet et crée des obligations à la charge des parties. Le bail est conclu en vue d’exploiter un fonds de commerce par le locataire du lieu loué. Le locataire a l’obligation d’utiliser l’immeuble selon sa destination, c'est-à-dire selon l’activité fixée. Si le contrat ne prévoit aucune activité à exercer par le locataire du lieu, celui-ci est libre de déterminer cette activité et également libre d’en changer. Cette hypothèse reste rare. Dans la pratique, les parties prévoient le type d’activité à exercer par le locataire du lieu loué.
Il faut s’interroger sur la nature du changement d’activité : déspécialisation partielle ou plénière ? Il faut chercher à savoir s’il y a un simplement un ajout d’une activité connexe ou complémentaire ou s’il y a un changement radical, c'est-à-dire une nouvelle activité différente de l’activité prévue au bail.
Le caractère connexe ou complémentaire s’apprécie par rapport à l’activité prévue dans le bail. La Cour de cassation a considéré que l’activité ajoutée doit laisser subsister l’activité ancienne, mais elle peut être prépondérante par rapport à l’activité ancienne (Cass, civ, 24 oct 1984).
Pour savoir si l’activité ajoutée est une activité connexe ou complémentaire, il faut déterminer l’activité prévue au bail. L’activité prévue au bail n’est pas forcément celle d’origine au moment de la conclusion du contrat. Il faut prendre en compte la dernière activité pouvant être modifiée soit par accord des parties, au cours d’exécution du contrat, soit à la suite d’une précédente déspécialisation (Cour d'appel de Paris, 21 fév 1980).
Si la déspécialisation n’est que partielle, le locataire devait, avant le changement d’activité, « faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en indiquant les activités dont l’exercice est envisagé ».
- Sil n’avait pas respecté cette procédure, quelle serait la sanction ? Est-ce que le bailleur peut invoquer ce défaut pour résilier le contrat de bail ? L’article L145-47 du code de commerce est silencieux sur cette question. La Cour de cassation a décidé que toute l’extension de l’activité, sans autorisation préalable du bailleur ou du tribunal, constitue un manquement du locataire à ses obligations pouvant justifier le refus de renouvellement (Cour de cassation, 24 oct 1990) ou la résiliation judiciaire ou conventionnelle (Cour de cassation, 20 déc 2000).
- S’il avait respecté cette procédure, le bailleur aurait 2 mois pour répondre (3 mois en cas de déspécialisation plénière). A défaut, l’extension d’activité est acquise (article L145-47, alinéa 2). Est-ce que le bailleur peut répondre « Non, je m’oppose à tout changement d’activité » ? Le bailleur notifié ne peut pas s’opposer à la déspécialisation partielle, mais il peut contester, devant le TGI, dans ce délai de 2 mois, le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée. Le juge peut prendre en compte l’évolution des usages commerciaux.
Cependant, en cas de déspécialisation plénière, le bailleur peut s’opposer à la demande de déspécialisation en invoquant le motif grave et légitime (article L145-52 du code de commerce) ou accorder l’autorisation sous conditions (article L145-49, alinéa 3 du code de commerce).
Le renouvellement du bail commercial et l'indemnité d'éviction
En principe, un bail commercial se termine à la fin la durée prévue dans le contrat. Si le locataire souhaitait continuer, il peut demander le renouvellement du bail commercial.
Cependant, le bailleur n’est pas obligé d’accepter la demande du locataire. Il peut ainsi refuser le renouvellement du bail commercial. Mais il a une obligation de verser une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le refus de renouvellement (article L.145-14 du code de commerce).
Il s'agit donc d'une règle protectrice des commerçants locataires. Mais pour pouvoir bénéficier de cette indemnité d'éviction, plusieurs conditions doivent être réunies :
- le locataire doit être titulaire d'un fonds de commerce qu'il exploite dans les locaux loués ; ce fonds de commerce doit donc exister réellement en comportant une clientèle réelle et autonome ;
- le locataire doit avoir la qualité de commerçant ; en pratique, il doit être immatriculé au registre de commerce et des sociétés.
Il existe plusieurs éléments à prendre en considération afin de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction, qui sont :
- la valeur marchande du fonds de commerce
- le cas échéant, des frais normaux de déménagement et de réinstallation
- des frais et droits de mutation de fonds de commerce.
Cependant, selon l’article L145-17 du code de commerce, le locataire évincé ne pourra obtenir aucune indemnité si le refus de renouvellement résulte :
- des motifs graves et légitimes : par exemple, les loyers impayés ;
- de l’état d’insalubrité ou du caractère dangereux de l’immeuble.
Les alternatives au bail commercial
Le statut de baux commerciaux est contraignant pour le bailleur, du fait de sa durée longue de 9 ans. Afin d'éviter cet inconvénient, certains propriétaires recourent au bail de courte durée et au bail précaire.
Le bail bail de courte durée
Si le bail de courte durée est possible, sa durée ne peut pas dépasser 3 ans (article L145-5 du code de commerce), les renouvellements compris. En cas de non-renouvellement, le locataire n'aura pas droit à une indemnité d'éviction, sauf des stipulations contraires.
Bon à savoir Il est important de bien préciser par écrit dans le contrat que la durée du bail est inférieure ou égale à 3 ans. En l'absence de cette précision, le bail aurait obligatoirement une durée de 9 ans et soumis au statut protecteur des baux commerciaux.
Le bail précaire
Le bail précaire est conclu sans précision de durée. En principe, il peut prendre fin à tout moment et sans préavis. Le bail précaire peut être conclu par exemple pour un local se trouvant dans un immeuble en cours d'expropriation.