Qu'est-ce qu'un acte de commerce ?
Simple d'apparence, la notion de l'acte de commerce est parfois difficile à cerner. Vous allez voir que juridiquement, tous les actes accomplis par un commerçant ne sont pas toujours considérés comme étant acte de commerce. Par ailleurs, l'acte de commerce est soumis à un régime juridique spécifique.
La définition de l’acte de commerce
L’acte de commerce, en lui-même, n’est pas défini par la loi. Cette absence peut dans certains cas poser des difficultés lorsque le juge du tribunal de commerce procède à la qualification d'un acte.
Le mot « acte » ne vise pas spécialement l’acte juridique qui est la manifestation de volonté destinée à créer des effets de droit. L’acte signifie l’activité. L’acte de commerce est donc l’activité commerciale. Mais ces activités commerciales, lorsqu’elles sont concrétisées par des contrats, deviennent l’acte juridique. L’acte de commerce peut être aussi l’acte juridique.
Le Code de commerce donne simplement une liste d’actes de commerce énumérés à l’article L.110-1. Sont notamment considérés comme acte de commerce :
- les activités d’achat pour revendre (1° et 2°)
- les opérations intermédiaires …..
Ces opérations sont les actes de commerce par nature du fait de leur objet, quel que soit leur auteur.
Dans cette liste, on trouve aussi les actes de commerce par la forme.
- C’est le cas de la lettre de change (art. L110-1, 10°) : appelée aussi « la traite ». C’est un moyen de paiement. C’est titre par lequel une personne appelée « tireur » (ex, le fournisseur) donne à un débiteur appelé « tiré » (ex, le client), l’ordre de payer à une date déterminée ne somme d’argent à une troisième personne dite « bénéficiaire ou porteur » (ex, la banque). Vous allez voir en détail cette technique de paiement en droit bancaire.
Quelle que soit la nature de l’obligation, commerciale ou civile, la lettre de change est un acte de commerce.
- Des actes juridiques opérés par une société commerciale par la forme, quel que soit leur objet (société anonyme, société en commandite par actions et en commandite simple, SARL, société en nom collectif).
L’article L.110-1 est complété par l’article L110-2 qui prévoit une liste d’actes de commerce maritime.
Si l’art. L.110-1 attribue la qualité d’acte de commerce à certaines activités réalisées en entreprise (entreprise de location de meuble, de manufactures, de commission, de transport, de fourniture, d’agence et bureaux d’affaire), toutes les entreprises n’exercent pas des activités commerciales. Sont exclues les entreprises d’activités artisanales, agricoles, extractives, libérales, d’achat de terrains en vue de leur revente après construction (au contraire, l’achat de terrains en vue de la revente, mais sans construction est commercial), de location (exception, exploitation d’un camping)
A priori, si l’on suivait cette logique, il serait facile de déterminer un acte de commerce en s’attachant à l’énumération légale.
Or, le droit commercial est beaucoup plus complexe, parce qu’il faut tenir compte de l’influence de la profession de l’auteur.
Les critères de la qualification d'acte de commerce
Puisque les articles L110-1 et L. 110-2 du code de commerce ne prévoient pas de critères généraux de qualification d’acte de commerce, la détermination du caractère commercial d’une activité peut donner lieu à des conflits. La jurisprudence joue un rôle important dans la qualification d’une activité commerciale.
La doctrine propose trois critères de qualification d'acte de commerce.
La spéculation : l’acte de commerce serait un acte animé par une intention de recherche de profit, de bénéfice. En ce sens, un acte désintéressé, philanthropique, sans recherche de profit, ne peut être considéré comme un acte de commerce. C’est le cas par exemple des associations humanitaires dont le but est non lucratif. Ce critère permet aussi de refuser la commercialité d’un achat pour revendre qui n’est pas animé par l’intention de spéculation. Par exemple, un étudiant se rend dans une librairie pour acheter un code de commerce. En rentrant chez lui, ses parents lui offrent aussi un code de commerce pour son anniversaire. Il décide de revendre son code qu’il a acheté à un prix inférieur. Cet achat pour revendre n’est pas un acte de commerce, en l’absence de finalité lucrative. Mais la spéculation ne suffit pas à elle seul pour qualifier un achat pour revendre d’un acte de commerce. La jurisprudence exige que l’acte soit répété. L’étudiant qui revend occasionnellement son code de commerce ne fait pas acte de commerce même s’il est animé par une intention de spéculation. Un internaute qui a vendu plus de 80 produits hightech sur Price Minister pour un montant d’environ 220 euros par mois fait acte de commerce (TI Paris, 7/09/2015).
En revanche, ce critère de répétition n’est pas nécessaire pour un acte de commerce par la forme, tel que la lettre de change (un titre par lequel une personne « le tireur » demande à une autre personne (le tiré) qui est généralement débiteur, de payer une certaine somme d’argent à une troisième personne « le bénéficiaire »).
Une lettre de change est commerciale même si elle est souscrite seulement une fois par un non-commerçant.
Le critère de spéculation semble être insuffisant et insatisfait, dans la mesure où les professionnels libéraux tels que les experts comptables ou les agriculteurs sont en permanence en recherche du profit, mais ils ne sont pas soumis au droit commercial. On peut encore se pose la question si un particulier qui spécule en bourse fait acte de commerce ?
La circulation des richesses : ce critère permettrait de considérer que tous ceux qui s’entremettent dans la circulation des produits font acte de commerce. Ce qui exclut le producteur et le consommateur. Ce critère est aussi insatisfaisant, car certaines activités relevant de la production sont considérées comme étant acte de commerce (ex, activité production d’énergie).
L’entreprise : le dernier critère consiste à reconnaître le caractère commercial des activités exercées par certaines entreprises comportant une organisation technique spéciale. Ce critère n’est pas non plus satisfaisant dans la mesure où une entreprise agricole peut posséder une organisation technique spéciale.
La distinction acte de commerce / acte civil
L’acte civil est un acte effectué par les non-commerçants et en dehors d’une activité commerciale. Par exemple, l’achat d’un code de commerce par un étudiant est un acte civil.
Un acte peut être civil par accessoire. Il s’agit d’une notion symétrique à celle d’acte de commerce par accessoire. L’acte est civil par accessoire à cause de la qualité de son auteur. Il s’agit alors d’une civilité accessoire subjective. Ainsi, un professionnel libéral qui réalise une opération qui serait de nature commerciale est considéré comme faisant un acte civil si cet acte intervient pour les besoins de son activité professionnelle non commerciale. Par exemple, le médecin de campagne qui se rend chez les patients éloignés de tout centre urbain et de toute pharmacie peut éventuellement vendre les médicaments qu’il prescrit et qu’il a achetés à cette fin. L’achat pour revendre est un acte de commerce par nature visée par l’article L110-1 du code de commerce. Mais ici, la vente intervient pour le besoin de l’activité principale médicale. Cet acte commercial devient civil par accessoire.
De la même manière, un acte civil par nature peut devenir un acte de commerce par accessoire lorsqu’il est accompli par un commerçant pour le besoin de son activité commerciale. Il est donc important de savoir si l’acte civil avait été accompli pour le besoin de l’activité commerciale ou pour un besoin personnel du commerçant.
Un commerçant peut être une personne physique ou une personne morale. Lorsqu’il s’agit d’une société commerciale, il n’y a pas de difficulté, car une société ne peut agir que dans le cadre de ses activités professionnelles vis-à-vis des tiers. En revanche, le commerçant personne physique peuvent agir à la fois pour sa vie privée et professionnelle. Si l’acte civil est accompli pour le besoin de sa vie privée, il ne peut devenir commercial par accessoire. En cas de conflit, il faut qui invoque la commercialité doit rapporter la preuve. Il existe une présomption de commercialité, c'est-à-dire que tout acte accompli par un commerçant est présumé être commerciale. Par exemple, selon l’article L721-6, alinéa 2 du code de commerce, « les billets (acte par lequel un commerçant s’engage à payer certaines sommes) souscrits par un commerçant sont censés faits pour son commerce ». C’est une présomption simple qui peut être renversée par le commerçant lui-même ou par l’autre partie.
L’acte civil qui devient commercial par accessoire peut s’attacher non seulement à une opération commerciale présente, mais aussi à une opération commerciale future si l’acte accessoire est indispensable à l’opération principale (arrêt de la Cour de cassation, 13 mai 1997, n°94-20.772) : par exemple, vous avez un projet d’achat d’un fonds de commerce de restauration. Avant la réalisation de l’acquisition du fonds, vous avez acheté quelques tables et chaises pour votre futur restaurant.
Si l’acte de commerce est généralement accompli par les commerçants, la jurisprudence reconnaît l’existence d’acte de commerce isolé, c'est-à-dire l’acte de commerce accompli occasionnellement par des non-commerçants. Ces actes sont au nombre limité. On peut citer :
- l’achat d’un fonds de commerce par une personne qui n’est pas encore commerçante
- le cautionnement : pour que le cautionnement consenti par la caution qui n’est pas commerçante soit considéré comme acte de commerce, il ne suffit pas que les dettes principales soient commerciales. Il faut que la caution non- commerçant ait un intérêt personnel à la dette. Ces cautions sont généralement les dirigeants de la société.
- la cession de parts sociales entraînant le transfert de contrôle d’une société. Ordinairement, les associés n’ont pas la qualité de commerçant. Lorsqu’ils cèdent leurs parts sociales, ils sont un acte civil. Mais la jurisprudence admet que lorsque la cession entraîne le transfert de contrôle, elle est un acte de commerce.
Les intérêts de la distinction entre acte de commerce et acte civil
Les intérêts liés aux règles de procédure
Compétence juridictionnelle : le tribunal de commerce n’est compétent que si un texte le prévoit expressément. Ainsi, l’article L721-3 du code de commerce lui donne compétence notamment en matière des litiges relatifs aux actes de commerce quelle que soit la qualité de leur auteur. A titre d’exemple, le tribunal de commerce est compétent pour des litiges relatifs aux cautionnements donnés par les dirigeants de sociétés commerciales en garantie des dettes de la société (arrêt de la Cour de cassation, 6 mars 1993) ou encore des conflits relatifs aux actes de commerce accomplis par une association religieuse qui vend de la viande aux musulmans (arrêt de la Cour de cassation, 17 mars 1981). Mais en matière des actes mixtes, le non-commerçant à l’initiative de l’action en justice, peut opter pour la compétence du tribunal de commerce ou la juridiction judiciaire.
En ce qui concerne la compétence territoriale, le tribunal compétent est celui du lieu de résidence du défendeur. Or, l’art 48 du code de procédure civile admet une dérogation aux règles de compétence territoriale en cas d’acte de commerce. Les parties peuvent choisir, dans des documents contractuels, une juridiction territorialement compétente. Mais cette clause n’est valable qu’entre « des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant ». En revanche, le juge ne peut pas se saisir d’office pour apprécier la nullité de cette clause.
Clause compromissoire : la clause compromissoire est une clause par laquelle les parties au contrat désignent la compétence d’un tribunal arbitral pour résoudre les litiges éventuels. En matière commerciale, la possibilité de recourir à l’arbitrage est prévue par l’article L721-3 du code de commerce « (…) les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations (…) ».
Néanmoins, depuis la loi du 15 mai 2001, l’art 2061 du code civil semble élargir la compétence de l’arbitrage aux activités professionnelles autres que les activités commerciales : « sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle », donc une activité commerciale ou civile.
Les intérêts tenant au droit des obligations
Formation du contrat : l’article 1120 nouveau du code civil dispose que « le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières ». En principe, le contrat n’est formé qu’à partir de la rencontre entre l’offre et l’acceptation. Certaines relations d’affaires habituelles ou suivies peuvent en revanche donner au silence la valeur d’une acceptation.
Principe de la liberté de preuve : en matière civile, les actes juridiques portant sur une somme de plus de 1500 euros doivent être faits par écrit, acte authentique ou acte sous seing privé (article. 1341 ancien, 1359 nouveau du code civil).
Or, en matière commerciale, l’article L110-3 du code de commerce prévoit que « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Le principe est donc la liberté de la preuve, principe qui s’explique par la rapidité des opérations commerciales. Quelle que soit la valeur de l’acte, la preuve peut être rapportée par écrit, par fax, mail ou sms (Arrêt de la Cour de cassation, 23 mai 2007), des documents comptables, des témoignages, des indices ou des présomptions (Arrêt de la Cour de cassation, 12 oct 1982).
Il existe quelques exceptions selon lesquelles l’écrit est nécessaire : la vente du fonds de commerce, le nantissement du fonds de commerce, le contrat de société.
Exécution des obligations :
- la réfaction (diminution du prix) : en matière commerciale, le prix dû par l’acquéreur peut être diminué proportionnellement à l’inexécution partielle du contrat par le vendeur, par exemple, en cas d’insuffisance de la quantité des marchandises (arrêt de la Cour de cassation, 23 mars 1971). Toutefois, cette règle n’a plus d’originalité depuis la réforme du droit des contrats, car désormais l’article 1223 du code civil admet également cette possibilité : « le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix ».
- le remplacement (des marchandises) : en matière commerciale, lorsque le vendeur ne livre pas des marchandises à l’acheteur, ce dernier peut, sans autorisation judiciaire préalable, se procurer des marchandises identiques auprès d’un tiers. Le vendeur initial doit lui rembourser des frais nécessaires. Depuis la réforme du droit des contrats, cette règle s’applique à la fois en matière commerciale et en matière civile. L’article 1222 du code civil précise que « après mise en demeure, le créancier peut (…), faire exécuter lui-même l’obligation (…). Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin ».
- la solidarité passive: l’article 1310 (1202 ancien) du code civil « la solidarité ne se présume point ». Or selon un usage commercial, il existe une présomption entre les codébiteurs tenus commercialement.