đź”´Mariage + Abstinence sexuelle ou refus sexuel = Divorce pour faute ?

Le refus sexuel et le divorce pour faute en droit français

Un mariage a été contracté en 1984.

En 2012, l’épouse a demandé le divorce auprès du juge aux affaires familiales.

Le mari a demandé reconventionnellement que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son épouse, arguant qu'elle s'était soustraite au devoir conjugal (abstinence sexuelle) : l’épouse avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint.

En 2018, le juge aux affaires familiales a estimé que les problèmes de santé de l’épouse étaient de nature à justifier l’absence durable de sexualité au sein du couple. Le divorce a été prononcé, mais pour altération définitive du lien conjugal.

L’épouse a interjeté appel.

En 2019, la cour d'appel de Versailles a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse.

En effet, selon l’article 242 du code civil, « le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».

Cette violation est caractérisée par le manquement par l’un des époux à un des devoirs du mariage :  le respect, la fidélité, le secours, l’assistance (article 212 du code civil) et la communauté de vie (article 215 du code civil).

Selon la jurisprudence, le devoir de communauté de vie se traduit par le devoir de cohabitation et le devoir de consentir au rapprochement sexuel entre les époux.

Dans le contentieux commenté, selon la constatation de la Cour d’appel, malgré des sollicitations répétées de son mari, l’épouse s’est toujours opposée aux relations intimes à partir de 2004 et que ses problèmes de santé « ne peuvent excuser le refus continu », ce qui caractérise une « violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ».

L’épouse a alors formé un pourvoi en cassation.

En 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’épouse en estimant que les moyens invoqués n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation. En substance,  la constatation de l’existence des faits imputables au conjoint, causes de divorce pour faute, et l’appréciation du caractère grave ou renouvelé de la violation des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune relèvent du pouvoir souverain des juges du fond (le juge aux affaires familiales et la Cour d’appel) (1ère Civ, 1er juin 2011, pourvoi no 10‑17.461 ; 2e Civ., 15 janvier 1997, pourvoi no 95-15740 ; 2e Civ., 29 avril 1994, Bull. II, no 123 ; 2e Civ., 20 juillet 1993, pourvoi no 91-21253 ; 2e Civ., 22 janvier 1992, pourvoi no 90-14540 ; 1ère Civ., 21 novembre 2012, pourvoi no 11-30.032 ; 1ère Civ., 25 mai 2016, pourvoi no 15‑18.890 ; 1ère Civ., 27 septembre 2017, pourvoi no 16-24.489). Il en résulte que la Cour de cassation ne peut pas exercer son contrôle sur ces appréciations souveraines.

Le refus sexuel et le divorce pour faute : l'apport de la Cour européenne des droits d'Homme


Après l'épuisement des voies de recours en France, l’épouse a formé un recours à l’encontre de l’Etat français devant la Cour européenne des droits de l’Homme, invoquant la violation par l’Etat français de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Ledit article dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La vie sexuelle relève en effet de la vie privée.

Par une décision du 23 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu à la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour a considéré notamment que la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce pour faute constituent des ingérences dans le droit de l’épouse au respect de sa vie privée, de sa liberté sexuelle et de son droit de disposer de son corps.

Cette décision s’inscrit également dans le contexte des débats autour de la violence faite aux femmes. Ces débats ont probablement influé sur la position des juges européens.

Nous pourrions légitimement se pose la question suivante : si le plaignant était le mari, est-ce que la solution serait différente ?

Qu’en pensez-vous ?