Le laissez-passer consulaire pour les enfants nés  d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger 

Tribunal administratif de Nantes, 11 avril 2025, n° 2506413 : rejet du référé contre le refus de délivrance d'un laissez-passer consulaire aux enfants nés d'une GPA à l'étranger, en l'absence d'urgence

Un jugement du Tribunal administratif de Nantes (11 avril 2025, n° 2506413) met en lumière les difficultés rencontrées par des parents français ayant eu recours à une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger, en l'espèce au Mexique, pour obtenir des documents de voyage pour leurs enfants mineurs.

Cette affaire soulève des questions importantes concernant l'intervention du juge des référés en matière de libertés fondamentales et les conditions de délivrance de laissez-passer consulaire.

Les faits marquants de l'affaire

M. E D et M. C B, deux ressortissants français, ont entrepris un projet parental via une convention de GPA conclue au Mexique, où cette pratique est légale. Suite à la naissance prématurée de deux filles, A et F D B, nées d'une mère porteuse mexicaine le 24 février 2025, les autorités locales ont établi des actes de naissance reconnaissant la parentalité des consorts D et B, en vertu d'une décision provisoire d'un tribunal mexicain.

En raison de leurs obligations professionnelles en France et de l'état de santé de leurs enfants nécessitant un suivi pédiatrique en France, M. D et M. B ont sollicité, le 18 mars 2025, la délivrance de laissez-passer consulaires pour permettre à leurs filles de les accompagner lors de leur retour en France.

Le refus de laissez-passer des enfants nés de la GPA par l'autorité consulaire

 

L'autorité consulaire française au Mexique a refusé la demande de laissez-passer le 2 avril 2025. Ce refus était motivé par l'absence de jugement définitif des autorités mexicaines reconnaissant la filiation et de justificatif de l'opposabilité de ce jugement en droit français, considérant ainsi les enfants comme étant de nationalité mexicaine et soumises à l'interdiction de sortie du territoire mexicain sans autorisation spécifique.

La saisine du juge des référés pour contester le refus de laissez-passer des enfants nés de la GPA

 

M. D et M. B ont alors saisi en urgence le juge des référés du Tribunal Administratif de Nantes sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article permet au juge des référés d'ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale, en cas d'urgence.

Les requérants ont fait valoir que la condition d'urgence était remplie en raison de l'incertitude quant à la date d'un jugement définitif au Mexique, de leurs impératifs professionnels en France et de la nécessité d'un suivi médical pédiatrique en France pour leurs filles nées prématurément. Ils ont également soutenu que le refus de délivrance des laissez-passer portait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent le droit à la libre circulation, la liberté d'aller et venir et le droit au respect de la vie privée et familiale.

La décision du juge des référés : absence d'urgence caractérisée

Le juge des référés a rejeté la requête par une ordonnance du 11 avril 2025, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative. Ce dernier permet au juge des référés de rejeter une demande ne présentant pas un caractère d'urgence par une ordonnance motivée sans instruction ni audience.

Le juge a estimé que, bien que M. D et M. B n'établissent pas la possibilité d'obtenir rapidement un jugement définitif au Mexique, les circonstances invoquées (contraintes professionnelles et état de santé des enfants) étaient insuffisantes à caractériser une situation d'urgence rendant nécessaire une intervention dans les quarante-huit heures. Le juge des référés a notamment relevé que les requérants n'établissaient pas de manière probante la nécessité impérieuse d'une venue immédiate en France pour le suivi médical des enfants.

Conseil d'État, Juge des référés, 28 octobre 2024, 498360 : Rejet du référé contre le refus de délivrance d'un laissez-passer à une enfant née d'une GPA incertaine à l'étranger

 

Le juge des référés du Conseil d'État a rendu une ordonnance le 28 octobre 2024 (n° 498360) dans une affaire concernant le refus de délivrance d'un laissez-passer pour une enfant née à Kampala, en Ouganda.

La demande d'un laissez-passer pour une enfant née d'une GPA en Ouganda

 

Mme E... C... épouse A... et M. B... A... ont sollicité auprès de la section consulaire de l'ambassade de France en Ouganda la délivrance d'un laissez-passer pour leur fille, D... A..., née le 16 août 2024 à Kampala. Face au refus des 16 et 17 septembre 2024, ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, demandant l'annulation de ces décisions et l'injonction de délivrance du laissez-passer sous astreinte.

Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, par une ordonnance du 27 septembre 2024, a enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de délivrer à l'enfant D... A... un document de voyage lui permettant d'entrer en France, afin de ne pas être séparée de Mme A....

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a interjeté appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'État.

Le rejet du référé contre le refus de délivrance d'un laissez-passer en raison de l'incertitude de la GPA

 

Le juge des référés du Conseil d'État a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lyon et rejeté la demande de M. et Mme A....

Le Conseil d'État a examiné la situation au regard de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui permet d'ordonner en référé les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale en cas d'atteinte grave et manifestement illégale par une personne morale de droit public.

Le juge des référés a estimé que, compte tenu des contradictions et incertitudes entourant la naissance de l'enfant :

  • Mme A... avait initialement déclaré avoir accouché, produisant des attestations en ce sens, avant qu'un examen médical ne révèle une hystérectomie antérieure.
  • Le contrat de GPA produit était postérieur à la naissance, ne mentionnait pas la mère porteuse, ne comportait pas sa signature ni celle de la mère biologique, et la signature du père différait de celle de son passeport.
  • La déclaration attribuée à la mère porteuse présentait des incohérences avec le contrat de GPA.
  • Les preuves de transport d'embryons étaient non signées.
  • Si un test génétique indiquait que Mme A... était la mère biologique, cela ne suffisait pas à établir avec certitude les conditions de la conception et de la naissance, en l'absence d'autres éléments malgré les demandes réitérées.

Au vu de ces éléments, le Conseil d'État a conclu que la position de l'administration ne faisait pas apparaître d'illégalité manifeste au regard des dispositions combinées du décret du 30 décembre 2004 relatif aux titres de voyage et de l'article 47 du code civil.

L'article 7 de ce décret prévoit la délivrance d'un laissez-passer à un Français après vérification de son identité et de sa nationalité.

L'article 47 du code civil confère une valeur probante aux actes d'état civil étrangers, sauf si des éléments établissent leur irrégularité ou l'inexactitude des faits déclarés, appréciée au regard de la loi française.

Le Conseil d'État a également estimé que, face à ces mêmes contradictions et incertitudes et compte tenu de la nécessaire protection des mineurs contre tout risque de trafic, le refus de l'administration de considérer l'intérêt supérieur de l'enfant comme justifiant la délivrance du laissez-passer sans autre vérification ne traduisait pas une méconnaissance manifeste de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Conseil d'État, Juge des référés, 23 décembre 2024, 499684 : Injonction de délivrer un laissez-passer à un enfant né d'une GPA à l'étranger

 

Le juge des référés du Conseil d'État a rendu une ordonnance le 23 décembre 2024 (n° 499684) dans une affaire concernant le refus de délivrance d'un laissez-passer pour un enfant né au Mexique dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui (GPA).

La demande d'un laissez-passer pour un enfant né d'une GPA au Mexique

M. D... A... et M. B... C... ont sollicité auprès du juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de délivrer un laissez-passer ou tout autre document de voyage à leur enfant mineur, E... A... C..., né le 19 septembre 2024 au Mexique. L'objectif était de permettre à l'enfant de quitter le territoire mexicain et d'entrer en France. Par une ordonnance du 29 novembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

M. A... et M. C... ont interjeté appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'État.

L'injonction de délivrer  un laissez-passer à l'enfant né de la GPA

Le juge des référés du Conseil d'État a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Paris.

Sur l'urgence, le Conseil d'État a estimé que la condition était remplie. Il a relevé que M. A... et M. C... avaient entrepris une procédure judiciaire au Mexique pour obtenir un acte de naissance les désignant tous deux comme parents. Bien qu'un premier jugement provisoire ait permis l'établissement de cet acte, un jugement définitif était attendu, mais sa date était incertaine en raison d'une grève affectant les activités judiciaires au Mexique. Le Conseil d'État a considéré que l'impossibilité de prévoir la date de ce jugement définitif, combinée aux obligations professionnelles des requérants en France, justifiait l'urgence. 

Sur l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le Conseil d'État a examiné la situation au regard de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il a rappelé les termes de l'article 47 du code civil concernant la foi des actes d'état civil étrangers et de l'article 7 du décret du 30 décembre 2004 relatif aux laissez-passer.

Le Conseil d'État a souligné que le ministre ne contestait pas l'authenticité ni la portée de l'acte de naissance mexicain, ni la réalité du recours à la GPA et sa licéité dans certains États du Mexique, ni le fait que M. A... était le père biologique de l'enfant. La seule circonstance invoquée par le ministre, relative à la nécessité d'un jugement définitif en droit mexicain, a été jugée sans incidence sur l'obligation d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant, conformément à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Compte tenu de l'imprévisibilité de la reprise normale des activités judiciaires au Mexique et du délai dans lequel le jugement définitif pourrait intervenir, le Conseil d'État a estimé que l'intérêt supérieur de l'enfant E... A... C... impliquait que l'autorité administrative lui délivre, à titre provisoire, tout document de voyage lui permettant d'entrer sur le territoire national afin de ne pas être séparé de ses parents.

En conséquence, le Conseil d'État a enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer, à titre provisoire, à E... A... C... tout document de voyage lui permettant d'entrer sur le territoire national en compagnie de M. A... et de M. C..., dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance. L'État a également été condamné à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.