Le jeu télévisé : inaplicabilité de l'article 9 du code civil en cas d'atteinte au droit à l'image résultant d'une cession de droit à l'image.

Cour de cassation, première chambre civile, 20 octobre 2021, n° 20-16.343 ⬇️

Le contrat de cession de droit à l'image dans le cadre d'un jeu télévisé

Par conventions conclues le 7 juin 2017, Mme [Q] a autorisé la société GTNCO à exploiter son droit à l'image aux fins de la diffusion par la société Métropole Télévision, sur la chaîne M6, de l'émission « Wild », un jeu d'aventure consistant en une course d'orientation dans un milieu hostile.

Le 1er juin 2018, invoquant le fait qu'une séquence de cette émission avait fait entendre le son qu'elle avait produit, alors que, victime de diarrhées lors d'une étape, elle était en train de se soulager, l’intéressée a alors assigné les deux sociétés en indemnisation de son préjudice et interdiction de toute exploitation de la séquence litigieuse, en se fondant notamment sur l’article 9 du code civil.

A la suite d’un jugement rendu en première instance, un appel a été interjeté. Mais la cour d’appel de Paris a déclaré irrecevables les demandes de l’intéressée. Celle-ci s’est alors pourvue en cassation.

L'inapplicabilité de l'article 9 du code civil en cas d'une action fondée sur l'exécution du contrat de cession de droit à l'image

L'article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée. La Cour de cassation rappelle la cession de droit à l’image relève de la liberté contractuelle. L’article 9 ne fait pas obstacle à la cession de droit à l’image dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes (1re Civ., 11 décembre 2008, pourvoi n° 07-19494, Bull. 2008, I n° 282).

La Cour de cassation déduit que la méconnaissance de l’article 9 du code civil ne peut être invoquée qu'à la condition que la diffusion des images ne se rattache pas à l'exécution du contrat.

La cour d'appel a relevé que, le 7 juin 2017, Mme [Q] avait conclu avec la société GTNCO deux documents contractuels intitulés, l'un « contrat à durée déterminée d'usage (jeu) », prévoyant que « le collaborateur autorise l'exploitation par le producteur et en tant que de besoin lui cède à titre exclusif ses attributs et droits de la personnalité ainsi que ses éventuels droits de propriété intellectuels dans les conditions et selon les modalités définies dans l'autorisation de diffusion signée par le collaborateur » (article 3), l'autre « règlement de la compétition », dans lequel il était notamment précisé à l'article 4 : « règles liées à la diffusion : dans le cadre de l'exploitation de la série, M6 s'engage à ne pas communiquer au public des informations ou des images dégradantes des concurrents » et que les demandes de l'intéressée étaient fondées sur la violation ou le dépassement de ces engagements.

Elle a retenu que la séquence litigieuse avait été filmée dans le contexte et pour la finalité en vue desquels avait été réalisé le tournage de cette émission et qu'elle entrait ainsi dans les prévisions contractuelles indiquant qu'il s'agissait d'une chronique filmée d'un jeu d'aventure.

La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action de l’intéressée présentait un fondement contractuel. Ce qui rend inapplicable l’article 9 du code civil.

 

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Cour de cassation, chambre sociale, 23 octobre 2024, n° 22-19.700 ⬇️

La cession de droit à l'image d'un salarié

 Mme [T] a été engagée, en qualité d'ingénieur chimiste, par la société laboratoire Phytosolba le 5 juin 1990. Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société Alès groupe et elle occupait, en dernier lieu, les fonctions de responsable projet recherche et développement.

Licenciée le 1er mars 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de ce licenciement ainsi que le paiement d'un complément de rémunération au titre d'inventions de mission et de dommages-intérêts au titre de la violation de son droit à l'image sur le fondement de l’article 9 du code civil.

Les dispositions de l'article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l'image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes.

Il s'en déduit que la méconnaissance de ce texte ne peut être invoquée qu'à la condition que la diffusion litigieuse ne se rattache pas à l'exécution du contrat.

La cour d'appel a d'abord relevé que, par avenant du 28 juillet 1997, la salariée avait signé une licence d'image par laquelle elle consentait à l'employeur un droit exclusif de son nom et de son image pour la promotion de produits capillaires et cosmétiques moyennant une rémunération semestrielle. Elle a ensuite constaté, d'une part, qu'à la suite de la rupture du contrat de travail la licence d'image avait cessé d'être exécutée par l'employeur, d'autre part, que l'édition des notices en stocks était intervenue en exécution du contrat et avait été rémunérée. Elle a ainsi fait ressortir, qu'il n'y avait eu aucune captation, conservation, reproduction ou utilisation de l'image de la salariée en dehors de l'exécution de l'avenant de licence d'image.

Par conséquent, la demande de la salariée des dommages et intérêts au titre du droit à l’image fondé sur l’article 9 du code civil doit être rejetée.