Le nom de famille de l'enfant après la contestation de paternité

La contestation de paternité
Un enfant est né le 3 avril 2016 à Caen. Sa mère, Mme [Y] [P], est désignée dans son acte de naissance et il a été reconnu le 1er septembre 2016 par M. [X] [A].
Faisant valoir que M. [A] n'était pas le père de l'enfant, Mme [P] a, par actes des 4 et 8 octobre 2018, fait assigner respectivement M. [A] et l'association d'aide aux victimes (ACJM), désignée en qualité d'administrateur ad hoc du mineur [C] [P] par ordonnance du juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du 05 septembre 2018, devant le tribunal de grande instance de Caen, en contestation de paternité, en sollicitant avant dire-droit une expertise aux fins d'examen comparé des sangs.
Prétendant être le père de l'enfant, M. [U] [C] [V] est intervenu volontairement à la procédure et a sollicité que la mesure d'expertise lui soit étendue.
Finalement, le tribunal a déclaré que l'homme qui a reconnu l'enfant n'est pas le père de l'enfant. L'homme a alors interjeté appel.
L'effet de la contestation de paternité sur le changement de nom de famille de l'enfant
Quel nom portera l'enfant après la contestation de paternité ?
En vertu de l'article 311-21 du code civil qui fixe les règles de dévolution du nom de famille, l'enfant prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu si elle n'est pas établie simultanément à l'égard des deux.
En l'espèce, la filiation de l'enfant a été établie en premier lieu à l'égard de sa mère lors de sa déclaration de naissance. Puis, sa filiation paternelle a d'abord été établie plusieurs mois plus tard par la reconnaissance souscrite le 1er septembre 2016 par M. [A], laquelle reconnaissance a ensuite été annulée par la décision de justice dont appel qui a consacré la paternité de M. [C] [V] et qui est définitive sur ces points.
L'enfant porte donc le nom de sa mère depuis sa naissance, en l'absence de filiation paternelle établie antérieurement ou simultanément, et c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'en l'état d'une filiation de l'enfant établie en premier lieu à l'égard de sa mère, la demande de M. [C] [V] tendant à ce que l'enfant prenne son nom déroge aux règles de dévolution du nom de famille fixées par l'article 311-21 du code civil.
L'article 311-23 du même code dispose :
'Lorsque la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un parent, l'enfant prend le nom de ce parent.
Lors de l'établissement du second lien de filiation puis durant la minorité de l'enfant, les parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil, choisir soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Le changement de nom est mentionné en marge de l'acte de naissance. En cas d'empêchement grave, le parent peut être représenté par un fondé de procuration spéciale et authentique.
Toutefois, lorsqu'il a déjà été fait application de l'article 311-21, du deuxième alinéa du présent article, de l'article 342-12 ou de l'article 357 à l'égard d'un autre enfant commun, la déclaration de changement de nom ne peut avoir d'autre effet que de donner le nom précédemment dévolu ou choisi.
Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.'
En l'espèce, Mme [P] s'oppose au changement du nom de l'enfant sollicité par le père, et en l'absence de déclaration conjointe, la demande de M. [C] [V] de voir l'enfant porter son nom ne peut prospérer en vertu du texte susvisé, le premier juge ayant précisé à juste titre que les parents conservent la possibilité de procéder au cours de la minorité de l'enfant à une déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil conformément à l'article 311-23 du code civil.
Toutefois, M. [C] [V] se prévaut à l'appui de sa demande de l'application de l'article 331 du code civil, lequel prévoit que lorsqu'une action en établissement de la filiation est exercée, le tribunal statue, s'il y a lieu, sur l'exercice de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom.
La filiation paternelle de M. [C] [V] à l'égard de l'enfant ayant été établie judiciairement, la juridiction saisie est compétente pour statuer sur l'attribution du nom, en décidant soit de la substitution du nom du parent à l'égard duquel la filiation est établie judiciairement en second lieu, soit de l'adjonction de l'un des noms à l'autre, ce en considération des intérêts en présence et en particulier de l'intérêt supérieur de l'enfant.
M. [C] [V] reconnaît avoir eu connaissance de l'état de grossesse de Mme [P], l'enfant ayant été conçu alors que le couple vivait en Angola, et être arrivé dès juin 2016 en France où l'enfant était né le 03 avril 2016.
Or, force est de constater qu'il ne démontre pas, ni même n'allègue, avoir cherché à procéder immédiatement à la reconnaissance de l'enfant alors qu'il était en contact avec lui puisqu'il produit des photographies le montrant avec l'enfant encore bébé. S'il avait agi antérieurement au 1er septembre 2016, il pouvait établir son lien de filiation paternelle à l'égard de l'enfant, et passé cette date, il pouvait découvrir l'existence de la reconnaissance par M. [A] et la contester très rapidement, alors qu'il a attendu le 19 avril 2019 pour intervenir volontairement à la procédure en contestation de paternité déjà engagée par Mme [P] seule, ce qui interroge sur sa volonté réelle et déterminée, au moins lors des premières années de vie de l'enfant, d'assumer sa qualité de père de celui-ci.
Par ailleurs, l'enfant aura bientôt 7 ans et porte le nom de sa mère depuis sa naissance, il est scolarisé et inscrit socialement par référence au nom de sa mère qui constitue un repère important dans la construction de son identité. Si M. [C] [V] démontre une constance dans les visites en espace de rencontre qui lui ont été accordées par la décision dont appel une fois par mois au Puy-en-Velay, à environ 700 kilomètres de son domicile, et si le déroulement de ces visites est satisfaisant permettant la création d'un lien manifestement adapté entre père et fils, ces relations régulières restent encadrées et récentes.
En outre, M. [C] [V] ne rapporte aucun élément laissant penser que la qualité d'héritier de son fils dépend du fait que ce dernier porte son nom en plus de l'établissement de sa filiation paternelle.
Au regard de ces éléments, en particulier des conditions de l'établissement du lien de filiation et de la création récente du lien avec le père, l'intérêt de l'enfant ne justifie pas de bouleverser les éléments de construction de son identité en changeant son nom au profit de celui de son père.
En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qui concerne le nom de l'enfant.
Toutefois, il convient d'attirer l'attention de M. [C] [V] sur le fait que le nouvel article 311-24-2 du code civil, issu de la loi n°2022-301 du 02 mars 2022, entrée en vigueur le 1er juillet 2022, permet notamment l'adjonction du nom du père, à titre d'usage, dont la filiation a été établie en second lieu dans les conditions suivantes :
'Toute personne majeure peut porter, à titre d'usage, l'un des noms prévus aux premier et dernier alinéas de l'article 311-21.
A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale.
En outre, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut adjoindre celui-ci, à titre d'usage, au nom de l'enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en informe préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.
Dans tous les cas, si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.'
Source : Cour d'appel de Caen, 26 janvier 2023, 22/00379